Jan
07
2010
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Écrit par Julien Fribaud
Lightroom a la réputation d'être un logiciel pensé pour les "photographes", dont l'ergonomie spécifique peut perturber au départ mais qui fait gagner un temps précieux dès que la période de prise en mains est terminée.
Subsiste parfois le reproche de possibilités moins étendues qu'avec Photoshop et autres éditeurs bitmap, particulièrement l'absence de calques, mais il s'avère que les outils intégrés à Lightroom évitent souvent leur utilisation, sauf en cas des de montages complexes mais on sort alors du cadre purement photographique...
Je vous propose donc une manipulation qui demande de passer par les calques sous Photoshop, procédure qui peut être assez longue alors qu'elle ne demande que quelques dizaines de secondes avec Lightroom : appliquer l'équivalent numérique d'un filtre gris dégradé, permettant de récupérer une exposition correcte du ciel lorsque celui-ci est beaucoup plus clair que le sol.
L'étendue dynamique supérieure du RAW sera ici un avantage, ne permettant toutefois pas des interventions aussi poussées qu'un HDR, voire d'un filtre gris dégradé à la prise de vue. Néanmois cela permettra de sauver rapidement nombre de photos gâchées par un ciel surexposé.
Le principe de base, commun aux deux façons de procéder que nous allons détailler, sera de sélectionner la zone "ciel" de l'image et d'agir sur la luminosité du bleu, tout en le contrastant avec le blanc des nuages. Pour plus de rapidité, les nuages seront sélectionnés avec le ciel, les outils de correction de Lightroom évitant les sélections complexes au profit de la rapidité. Toutefois, une sélection de la zone "ciel" reste indispensable pour ne pas modifier la proportion de bleu dans les autres zones de l'image, qui seraient alors impactées par le réglage du ciel.
Enfin, selon le réglage adopté, cette intervention permettra de donner un effet "polarisant" sur le ciel, caractérisé par un bleu beaucoup plus profond, des nuages éclatants, et un dégradé de teintes de bleu plus marqué qu'en réalité à l'opposé du soleil.
Réglages de base à appliquer
Il va falloir diminuer la luminosité de l'ensemble du ciel afin d'assombrir le bleu, puis augmenter l'exposition pour redonner du "blanc" aux nuages qui seront devenus gris par baisse de la luminosité. Jongler entre les deux permet d'avoir un ciel d'un bleu plus ou moins profond, et même de récupérer du détail dans les blancs à l'origine "cramés" des nuages.
Faire l'inverse, c'est à dire diminuer l'exposition et augmenter la luminosité, permet de récupérer moins d'informations dans les blancs, et rend le réglage de la couleur du ciel beaucoup plus dépendant du niveau de blanc des nuages. Vous pouvez toutefois comparer les deux méthodes pour bien comprendre la différence de fonctionnement entre les curseurs "luminosité" et "exposition" : le curseur "luminosité" va avoir tendance à décaler les tons moyens en restant pour l'essentiel à l'intérieur des limites HL et BL. Inversement, le curseur "exposition" va décaler tout l'histogramme en bloc, modifiant beaucoup moins son étalement. En commençant par décaler la luminosité à gauche, on assombrira le bleu tout en récupérant les hautes lumières, au prix de nuages devenant gris, puis une augmentation de l'exposition éclaircira plus les nuages que le bleu, tout en conservant des nuances dans le blanc... Reste que pour rattrapper une grosse surexposition, il faudra commencer par diminuer l'exposition avant tout...
Je vous propose de découvrir les deux façons d'intervenir sur une zone dans Lightroom, la manière dont les réglages se font après sélection, et de voir comment sur la base de ces réglages on peut donner un effet de polarisation au ciel.
Le Filtre Gradué
Ici, le principe sera d'appliquer un filtre dégradé sur l'image, dans la surface duquel on pourra faire un réglage spécifique. Exposition, couleurs, netteté, pouront ainsi avoir un réglage particulier dans cette zone. Ce filtre est très adapté aux zones bien définies, telle qu'un ciel suivant une ligne assez franche. Il est divisé en deux zones : dans la zone supérieure, le réglage se fait sans dégradé, puis dans la zone inférieure, le réglage est fondu de manière progressive avec l'arrière-plan, pour un effet naturel.
Ce filtre peut être strictement horizontal (apuuyer sur Maj pendant son tracé le bloque horizontalement) ou oblique, pour suivre la ligne de ciel voire faire un dégradé latéral.
Voici l'image de départ à traiter. Comme toujours en réglage / retouche, l'important est de savoir ce qu'on veut faire avant de commencer, pour aller droit au but et gagner du temps. Ici, le ciel n'est pas très surexposé, mais je voulais un dégradé façon polarisant, pour faire une moitié supérieure moins "unie". En regardant bien, on voit que "naturellement" le ciel est déjà plus sombre en haut, c'est l'effet que nous allons accentuer :
Ouvrons la fenêtre du "filtre gradué", qui est appelé par la 4è icône (ici en clair) sur le bandeau en haut du module "développement", ou la touche "M" :
Nous voyons s'ouvrir les options réglables dans la zone du filtre. Nous l'avons vu, nous utiliserons ici les curseurs "luminosité" (à tirer vers la gauche pour la couleur du ciel), et "exposition" (à tirer vers la droite pour régler le blanc des nuages).
Un simple cliquer-glisser sur l'image tracera le filtre gradué :
Ici, nous voyons le filtre tracé légèrement en diagonale (pour un effet plus naturel, en suivant le fin dégradé de départ), avec une effet maximal en haut (notez que la limite haute est bien à l'angle supérieur de la photo), et un dégradé fin à partir de la ligne centrale. Le point au milieu marque l'emplacement du réglage, pour pouvoir le réafficher et éventuellement le modifier plus tard. On peut bien sûr à tout moment déplacer, étirer ou faire pivoter le filtre.
Enfin, le dégradé chevauche franchement la terre : ce n'est pas un problème car l'effet y est quasiment nul, et cela permet de copier ce réglage sans modifications à une série de photos au cadrage comparable. Ici, le cas est particulier avec un horizon fortement penché. Néanmoins, sur la série de photos de cet atterrissage, le réglage se copie sans problème tant que l'angle est comparable. Le dégradé permet d'amoindrir l'importance de la position de la ligne d'horizon : sur une série de photos avec un horizon au tiers supérieur, le même réglage pourra être adopté partout, au moins en base de départ. S'il faut affiner sur quelques photos beaucoup plus décalées, le fait d'avoir collé tout le début de la procédure fera déjà gagner beaucoup de temps. De plus, le sol à l'horizon est souvent plus clair (voile atmosphérique comme ici) et ce dégradé l'assombrit légèrement...
La case "couleurs" ouvre une palette permettant d'ajouter une couleur au dégradé. Utile pour coloriser évidemment, mais aussi pour donner une dominante légère. Dans le cas présent, on peut ajouter un bleu sombre pour affiner le réglage du ciel, mais ça n'a rien d'obligatoire. La sélection de couleur peut aussi se faire par cliquer-glisser depuis cette fenêtre vers l'image, avec visualisation en temps réel de l'impact :
On peut aussi intervenir sur les autres réglages, mais c'est sans intérêt ici, voire contre-productif dans le cas de la netetté qui ajouterait du bruit numérique dans le ciel. L'utilisation de ces curseurs sera l'objet de prochains articles...
Le Pinceau de Réglage
Autre situation : un ciel derrière un horizon très irrégulier, où je ne veux pas tant appliquer un effet polarisant que diminuer l'impression de ciel "cramé". On sélectionnera le ciel par un pinceau, et le réglage se fera exactement comme dans le filtre gradué, dans la même fenêtre d'ailleurs. Voici la photo à traiter par assombrissement du bleu, sans effet polarisant, et récupération de détails dans les nuages trop blancs :
On ouvre le Pinceau de Réglage par l'icône à droite du filtre gradué (en haut à droite), ou la touche "K". Cela ouvre la fenêtre suivante, qui reprend les réglages du filtre gradué, et y ajoute plus bas un réglage spécifique du pinceau. On peut choisir un "contour progressif" pour un effet "dilué", mais on mettra à zéro cette option ici car elle créerait un halo plus clair en bordure de sélection. Le masquage automatique, à cocher, sera en revanche précieux : la détection automatique de bords permettra d'utiliser un pinceau large, et la ligne d'horizon sera reconnue par Lightroom et définie comme limite au masque. Cela fonctionne très bien et fait gagner un temps considérable.
Option intéressante également, on dispose de 2 pinceaux programmables, A et B. Cela permet de commencer avec un pinceau très large, et de définir un second pinceau plus petit pour affiner la sélection, éventuellement avec progressivité différente. Pas indispensable pour un ciel aux couleurs très différentes du sol, mais utile dans d'autres circonstances. Enfin on dispose d'un pinceau "effacer", qui retirera une zone au masque :
Il reste à peindre directement sur l'image avec le pinceau. Appuyer sur la touche "O" permet de visualiser en rouge la zone sélectionnée, ce qui peut se faire aussi en survolant le point correspondant au réglage. Cliquer sur ce point permet d'éditer le réglage, alors que cliquer ailleurs créera un nouveau masque, désigné par un point supplémentaire. On pourra ainsi avoir des centaines de points de réglage, tous indépendants et modifiables individuellement, de manière plus souple qu'autant de calques dans un éditeur bitmap.
Ici nous nous contenterons d'un seul masque. Le voici en cours d'affinement en mode visibilité :
Ne pas hésiter à sélectionner aussi les nuages, pour pouvoir les régler en même temps. Par défaut, la sélection évitera certainement l'essentiel des nuages. Il suffit alors d'éditer le masque en peignant dans le nuage : la sélection ajoutée se fera à partir du blanc plutôt que du bleu.
On utilisera la même procédure qu'avec le filtre gradué, luminosité baissée puis exposition augmentée. On pourra là aussi ajouter une couleur pour assombrir le ciel, jouer sur la saturation, mais là aussi la simplicité est souvent garante du naturel du résultat. J'ai décidé de garder un ciel très clair afin de seulement rendre les nuages plus lisibles et enlever la sensation de ciel "cramé" :
Les nuages sont plus détaillés, le ciel plus bleu, sans avoir touché au curseur "récupération" qui fait perdre du contraste sur l'ensemble de la photo. Sur une récupération de cette importance, on peut commencer par baisser sensiblement l'exposition (environ 1IL) afin de récupérer un contraste suffisant entre nuages et ciel, puis baisser la luminosité pour assombrir le bleu lorsque on est sorti du blanc quasi uniforme, pour enfin affiner le blanc des nuages en retouchant l'exposition.
Enfin, on pourra éventuellement additionner les deux méthodes, par exemple pour simuler un effet polarisant dans la dernière photo en ajoutant un filtre gradué bleu sombre en diagonale.
L'ensemble de ces retouches ne prend que quelques dizaines de secondes, et peut se copier rapidement à d'autres photos : le filtre gradué, par la finesse du dégradé, supporte un placement "approximatif" par rapport à la ligne de crête (et ne se voit pas si un bâtiment ou une montagne est dans le champ), et la zone sélectionnée par le pinceau de réglage peut tout à fait être copiée à d'autres photos si elles sont alignées (trépied). Précieux en photo de paysage...
Ces réglages locaux ont de nombreuses autres applications : le grain de peau en portrait, création d'un "sfumato" en paysage (accentuation de la sensation d'éloignement des plans par différence de saturation, utilisée en peinture), etc. Nous en reparlerons prochainement.
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Commentaires
Je me suis toutefois permis de rebondir sur celle-ci pour présenter sur mon blog une autre approche.
A voir ici (photogeek.fr/2010/01/astuce-l%E2%80%99effet-polarisant-avec-lightroom-suite/).
Fondamentalement, le principe reste le même, et j'emploie aussi parfois cette méthode beaucoup plus rapide. Elle évite de sélectionner le ciel. Néanmoins, dans la mesure où elle fait dévier le bleu dans l'ensemble de l'image (comme vous le rappelez justement), je me suis aperçu que souvent, même en l'absence d'éléments purement bleus, les autres couleurs pouvaient être impactées.
C'est pourquoi j'ai présenté ici une méthode plus complexe, et surtout dans l'idée de présenter en même temps l'utilisation des deux types de filtres de Lightroom. Reste que votre méthode fonctionne aussi très bien dans de nombreux cas, les réglages se faisant simplement ailleurs...
Cet exemple est aussi le bienvenu pour démontrer le fonctionnement de Lightroom, et je dois avouer utiliser cette méthode fréquemment pour "booster" la saturation des feuilles mortes en paysage, et encore plus en noir et blanc pour modifier radicalement l'apparence de manière plus visuelle qu'avec le mélangeur de couches d'un logiciel bitmap...
Très bonnes astuces sur LR. Me reste plus qu'à passer à la V2 (voire à la V3 directement) quand j'aurais changé de PC...
Merci à AlphaNum, continuez comme ça !
J'avoue être déjà passé à LR3, qui me semble plus ergonomique et efficace en dématriçage que LR2, sans être plus lent sur mon PC poussif. Et l'apparition des ces réglages locaux depuis la version 2 est une vraie évolution, qui simplifie énormément le workflow : ils permettent énormément d'interventions sans sortir de Ligtroom.
L'avantage de cette astuce par rapport a celle précédemment citée, est que même si le ciel est cramé, le résultat est bon (raw).
Félicitations, et vivement le prochain tuto !
"Il va falloir diminuer la luminosité de l'ensemble du ciel afin d'assombrir le bleu, puis augmenter l'exposition pour redonner du "blanc" aux nuages qui seront devenus gris par baisse de la luminosité...... et quelques lignes plus tard...En commençant par décaler l'exposition à gauche, on assombrira le bleu tout en récupérant les hautes lumières, au prix de nuages devenant gris, puis une augmentation de luminosité éclaircira plus les nuages que le bleu, tout en conservant des nuances dans le blanc..."
C'est ici qu'est l'inversion ! Merci d'avoir suivi
J'essayais dans un même paragraphe d'expliquer en même temps la différence entre expostion et luminosité, ensuite d'expliquer comment intervenir puis de démontrer le moindre intérêt de la manoeuvre inverse... A l'évidence je me suis laissé emporter :wink:
Donc je corrige immédiatement.
Pour essayer d'éclaircir le propos, jouer sur la luminosité décale l'histogramme, mais (si on est raisonnable) sans sortir des limites HL et BL, donc en le comprimant ou en l'étirant en plus de le décaler. Alors que l'intervention sur l'exposition décale sans modifier le contraste.
En conséquence, jouer entre les deux permet indirectement d'agir à la fois sur l'exposition (au sens premier) du ciel, mais aussi sur son contraste : le but premier étant d'assombrir le bleu (pratiquement blanc à l'écran), en même temps de sortir les nuages de la zone cramée.
Ceci fait avec le curseur luminosité permet de récupérer des détails dans les nuages, mais il deviennent alors gris. C'est là qu'on interviendra sur le curseur exposition, pour éclaircir l'ensemble tout en conservant le contraste retrouvé en baissant la luminosité. Une finesse, mais si pratique
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