Oct 28 2010

Chasseur d'Images n°328 / Novembre 2010

CI_328.jpgCe mois-ci, Chasseur d'Images a fait cliqueter les claviers sur les forums. Non pas à cause d'une couverture "noir et blanc" mettant en avant un nu consensuel, mais par un contenu qui n'y est même pas évoqué : le test des Sony Alpha 33 et 55, sur lequel nous nous attarderons plus loin.

Novembre est donc dédié à la photographie noir et blanc, avec une approche plus orientée "pratique numérique" que celle proposée par la presse spécialisée en général. L'écart avec le traitement réalisé par Réponses Photo ce mois-ci est d'ailleurs saisissant, sans que soit en cause l'intérêt du sujet vu côté argentique... Seize pages sont dédiées à une "leçon de photos" fort bien illustrée et regorgeant d'exemples dans lequel le noir et blanc, fût-il numérique, est pensé à la prise de vue et apporte un vrai supplément à la photo. Le post-traitement est détaillé à souhait, plutôt en expliquant les principes de conversion et ses effets qu'avec une méthode trop directive et finalement peu didactique. J'ai à titre personnel trouvé que ces pages sont un très bon condensé du "laboratoire numérique", posant les bases et expliquant clairement les méthodes et leur fonctionnement. Le sujet est certes commun, mais rarement traité de manière exhaustive et claire. Ici, le propos est limpide.

Cette "leçon de photo" est suivie d'une rubrique "j'apprends" de circonstance : l'impression de ses N&B à domicile. En deux pages, les problèmes de métamérisme et de profils sont abordés, en un article court mais efficace. Pascal Miele ne peut en quelques lignes donner les clés pour toutes les imprimantes et tous les sujets, mais le lecteur aura saisi les problèmes à contourner et les solutions à envisager.

Tout aussi intéressant, et précieux car rare, la rédaction a testé les laboratoires en ligne pour le tirage monochrome : noir et blanc, mais aussi viré sépia, sélénium ou cyanotype. De vrais pièges pour des labos orientés "grand public", a priori plus orientés "couleurs claquantes" que "finesses monochromes". On reconnaîtra avec un sourire en coin les préréglages typiques de Lightroom (bases intéressantes pour de beaux traitements), et on sera certainement surpris de la qualité d'ensemble obtenue quel que soit le labo. Là aussi, un article original qui ne manquera pas de surprendre les sceptiques du tirage "hors norme" en ligne, voire d'ébranler leurs certitudes.

Enfin, la rubrique "j'apprends" se termine avec un cours de six pages sur la maîtrise des forts contrastes. Là aussi ce sujet vient fort à propos compléter le thème "noir et blanc" car ce cas de figure n'est pas seulement un écueil mais bien un des fondements du noir et blanc.

De mon point de vue, ce seul sujet "noir et blanc", très bien traité, clair et exhaustif, signe à lui seul un très bon cru de Chasseur d'Images. Mais pour les sonystes, ce numéro restera aussi dans les annales pour un tout autre sujet : le test des Sony Alpha 33 et 55...

Commençons par la partie rationnelle : le test de l'Alpha 55. Voici très résumé l'avis de la rédaction : "bilan ultra-positif", AF réactif, qualité d'image de haut vol entre 100 et 1600 ISO, bonne colorimétrie, bonne mesure d'exposition, etc... Même le décrié EVF n'est pas mis au pilori : parfaitement lisible avec des lunettes, grossissement important, loupe permettant une MAP précise et un contrôle de PDC efficace. Reste une image "peu agréable" en extérieur sur sujets très contrastés. Un reflex qui a "tout pour plaire si l'on accepte la visée électronique, riche de fonctionnalités mais encore perfectible". On est loin de l'insupportable viseur tant décrié par ceux qui ne l'ont pas testé... Ronan Loaëc a réalisé un vrai test dans la durée, en ne perdant jamais de vue qu'il s'agit d'un boîtier "non professionnel", et donc sans s'appesantir sur quelques limitations que l'on ne saurait reprocher à des boîtiers de ce tarif. Un très bon test à mon avis, pas tant pour les résultats obtenus que pour l'appréciation d'un boîtier en regard de ses possibilités et du public visé. Les cinq étoiles obtenues par l'Alpha 55 sont une bonne nouvelle pour ce nouveau concept d'appareils, mais la pertinence du commentaire est encore plus appréciable.

La surprise vient du test de l'Alpha 33, qui est pourtant un quasi clone de l'Alpha 55.  La rédaction a trouvé une qualité d'image décevante (alors que le capteur est celui, excellent, du NEX), un lissage inadapté, un AF à la peine... en bref un boîtier aux résultats incompréhensiblement très en deça de ceux de l'Alpha 55... Nous avons nous-mêmes décelé une très légère diminution de qualité sur les JPEG directs par rapport au NEX, probable fait de la perte de luminosité due au miroir semi-transparent (qui consomme 1/3 de la lumière incidente), mais rien qui corresponde à la catastrophe mesurée par CI. A l'arrivée, un test négatif conclu par une effarante note de 3 étoiles...
En lisant soigneusement l'article, on finit par trouver un doute de la rédaction, qui soupçonne un "loupé" de fabrication. Si cela peut arriver, il serait toutefois étonnant que Sony n'ait pas vérifié le bon fonctionnement des appareils destinés à la presse. D'où peut alors bien venir le malaise ?

Il n'est pas inintéressant à ce stade d'examiner les "problèmes" révélés sur la toile à propos de ces deux boîtiers. Vous avez peut-être entendu parler de celui du "ghosting", qui a remué le Net à leur sortie, mais qui est quasiment tombé dans l'oubli depuis. Pour résumer, il s'agissait de l'apparition d'images fantômes (dans les hautes lumières principalement), clairement imputables au miroir fixe. Ce qui a failli être un scandale ressemble désormais fort à un pétard mouillé. DPReview a mis le doigt sur la source du problème : un miroir fixe mal remis en place après nettoyage (ou "bricolage" par utilisateur novice). Si ce miroir n'est pas soigneusement remis en place au fond de sa gorge, apparaissent de sévères problèmes de ghosting. Il faut donc bien mettre en garde les utilisateurs contre les effets d'un raté dans cette manipulation, mais le constructeur ne saurait être tenu pour responsable. Il ne viendrait à l'idée de personne, pour prendre un autre exemple, de râler contre un verre de visée mal replacé après nettoyage et faussant la mise au point manuelle...

Ainsi, la possibilité de mal replacer ce miroir existe, et la qualité d'image peut en être très affectée car l'angle prévu ne peut supporter d'approximation. Par ailleurs, ce miroir renvoie aussi l'image sur le capteur autofocus (c'est d'ailleurs sa seule fonction). J'extrapole peut-être trop largement, mais si un miroir décalé perturbe aussi gravement l'image, il ne semble pas illogique qu'il perturbe aussi l'AF, celui-ci ne recevant pas la lumière de la façon prévue à la conception... Quant au défaut de lissage, il peut aussi s'expliquer de la sorte : tout possesseur de boîtier ou d'objectif affublé d'un décalage de MAP aura noté la baisse énorme de piqué, ainsi que l'effet "moquette" qui affecte les détails...
On le voit, un mauvais repositionnement du miroir suffirait à expliquer les faiblesses de l'A33 testé dans CI, incompréhensibles sinon. Tout ceci est au conditionnel, car il est bien impossible de savoir ce qui s'est passé dans le CI-Lab, mais aucun autre test dans la presse papier ou Internet n'a signalé de tels dysfonctionnements, ni de près, ni de loin. Espérons que CI pourra faire un contre-test pour savoir ce qu'il en est vraiment car le résultat est assez irrationnel et perturbant, au point qu'il aurait été, de notre point de vue, plus prudent de reporter la publication de cet article.  

Sinon, la rédaction a testé et évalué le Canon EOS 60D. Un boîtier succédant au 50D, se trouvant un peu coincé entre un 550D plus bas en gamme mais déjà très complet et un 7D plus performant en AF (mais pas en qualité d'image) et doté d'un meilleur viseur. Un boîtier dans la lignée des Canon "à deux chiffres", classique mais efficace. Petit regret concernant le commentaire en conclusion du test : en comparant le prix de la rue du 7D et le prix de lancement du 60D, la rédaction arrive à la conclusion d'un tarif "irréaliste". En comparant des choses comparables et en admettant qu'un utilisateur puisse ne pas avoir besoin d'un AF de course, on pourrait aussi conclure que l'économie réalisée permet d'investir ailleurs, dans un bel objectif par exemple...

Sur le sujet de la pertinence des gammes, la rédaction propose un "comparatif interne" des boîtiers Canon puis Nikon : le 60D est comparé aux modèles qu'il remplace, et l'intérêt du D7000 face aux D300s et D90 est posé. Un sujet très intéressant pour les utilisateurs de ces marques, qui pourront évaluer la nécessité d'un remplacement de matériel, et mettre un budget en face de leurs besoins.

Le Samsung NX100 est passé par le labo. Un "reflex hybride", comme l'a classé CI, qui (pour être plus clair) reprend le concept des Olympus Pen et des Sony NEX : un compact à objectifs interchangeables et capteur de reflex. Le traitement d'image n'est semble-t-il pas au niveau de celui du NEX-5 disposant du même capteur, mais ce boîtier ouvre des voies d'avenir : un zoom de kit très compact alliant optique et corrections logicielles embarquées pour proposer un bon niveau sans l'encombrement (mais hélas sans stabilisation), un écran arrière AMOLED lisible en plein soleil, une ergonomie originale mais réussie, autant adaptée à l'expert qu'au débutant. Un boîtier perfectible, mais proposant des solutions originales et efficaces.

Enfin, un comparatif oppose quatre compacts "experts" : Panasonic LX5, Canon G12, Nikon P7000 et Samsung EX-1. Cette catégorie d'appareils aussi chers qu'un reflex connaît un regain d'intérêt, au moins des constructeurs car les ventes restent assez limitées, et ces quatre propositions ne manquent pas d'arguments malgré des caractéristiques très différentes. Le résultat ne manquera pas de surprendre, "l'électronicien" de la bande signant un EX-1 très convaincant.

Laurent Lafolie présente un portfolio noir et blanc tout en finesse, sur le thème du portrait. Des images douces mais percutantes, épurées par une faible profondeur de champ mettant en valeur des regards incroyables d'intensité. De plus, ce photographe tire lui-même au platine des oeuvres d'autres photographes. Les exemples publiés et l'explication de l'exigeante technique employée ne peuvent que laisser admiratif...

Olivier Grunewald (qui n'a malheureusement pas de site internet, mais une rapide recherche vous donnera un aperçu de son travail) photographie les volcans depuis une quinzaine d'années. Il est des quelques rares experts du domaine, et les magnifiques photos présentées dans son portfolio mêlent originalité et spectaculaire.

Nous terminons comme de coutume par un commentaire l'édito de Guy-Michel Cogné. Dans une harangue passablement réactionnaire, celui-ci accuse les vilains électroniciens de s'en prendre aux beaux viseurs des reflex, plaignant presque les manufacturiers "légitimes" de devoir suivre à terme cette bien mauvaise voie. Cette défense de la visée optique est confuse, sans nuance, mélange un peu tout et n'importe quoi, et finit même par laisser croire que les reflex d'entrée de gamme possèdent de superbes viseurs optiques dotés de prismes ! Des propos qui font penser à ceux du même auteur, il y a pas mal d'années, très critiques à l'égard du numérique en photographie et prédisant qu'il n'atteindra pas la qualité de l'argentique...
Le viseur électronique reste perfectible, mais s'élever contre le "risque de voir apparaître de nouvelles montures" me semble tardif, voire dénué de sens. Et craindre la disparition du "prisme de verre qui domine le monde des reflex depuis un demi-siècle" sur les modèles grand public, comment dire... c'est fait depuis fort longtemps. Un pentamiroir de reflex grand public APS-C n'a pas grand-chose à voir avec le fameux pentaprisme si agréable. Or c'est à cela qu'il faut comparer l'EVF à l'heure actuelle...
Dans cet excellent numéro de Chasseur d'Images, cet édito ressemble à un bouchon explosé flottant dans un Mouton Rothschild 1945...

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