Avr
28
2009
[NDLR : voici la seconde chronique décalée sur la photographie de notre ami Vince.
Il est à la fois dommage que je n'aie pas cette publicité sous la main pour la montrer à ceux qui ne l'ont pas vue, à la fois le seul visuel aurait tellement de force que vous ne feriez même plus attention à ce que j'écris. Oh, je vous connais, vous êtes facilement distraits. D'ailleurs de quoi suis-je en train de parler ? hein ? hein ? Moi-même j'ai un doute... Mais oui, la pub Muller dans le dernier RP (au fait, peut-être est-elle également dans CI de ce mois-ci. Si c'est le cas alors on peut dire que la couverture est de bon goût).
Donc, en quelques mots rapides et incisifs, nous découvrons sur cette pleine page format A4 en papier glacé, qui a pour habitude d'accueillir les tirages ciselés des plus grands noms de la photographie d'art, nous découvrons donc un chien.
Pas n'importe quel chien car mes maigres connaissances cynophiles me font deviner une sorte de Berger Allemand. Dans mon enfance on qualifiait de "chien loup" les différentes races de chien évoquant vaguement une silhouette lycomorphe (chercher ce mot) mais aujourd'hui les gens sont devenus tatillons, j'ai remarqué cela, et si on a le malheur de parler de leur animal sans en connaître précisément les noms vernaculaire et taxinomique on s'attire des remarques cinglantes et dédaigneuses "ce n'est pas un berger belge, c'est un berger malinois (sous-entendu espèce de béotien)!"
Est-ce que je sais moi...?
Mais revenons à notre image, on y devine, disais-je, un "chien loup", je dis bien "deviner" car la photo est floue : parti-pris esthétique, oubli du stabilisateur, tremblante du mouton face au canin ? difficile à dire mais la photo est floue.
Ce chien pourrait, à l'instar de son illustre ancêtre, courir fièrement au ralenti dans un champ de blé, le port altier, la langue gourmande, la truffe humide et sur une musique d'Ennio Morricone, mais n'oubliez pas le prologue de ce petit billet : tout ça, c'est de la pub à papa, on a affaire ici à l'Alfred Nobel de la publicité, un type qui invente le TNT sur papier glacé et qui fait exploser les carcans poussiéreux de l'académisme.
Mais alors, me demanderez-vous, que fait notre chien flou et loup ? Et je sentirai dans votre voix une pointe d'agacement car vous commencez à trouver que je tire la ligne de manière peu glorieuse. Eh bien figurez-vous que notre bon toutou fait ce pour quoi sont programmés tous les représentants de son espèce, voire de son genre, voire de son ordre, voire même de son règne (animal), dès qu'ils ont dépassé le stade d'embryon, il se livre à une activité qui, si j'en crois mes encyclopédies (et je les crois), permet de distinguer un être vivant d'un objet inerte : il chie.
Reprenons mes amis, car je sens que vous commencez à être perdus et c'est bien légitime, il faut dire que je ne fais rien pour vous faciliter la compréhension. Nous sommes donc en présence d'une publicité pour Muller Photo, établissement spécialisé dans la photographie et sis à Toulon (Var), cette publicité met en scène un chien flou, de trois-quart dos, et qui défèque. Oh, je sais ce que vous allez me dire : j'aurais pu commencer par là, ça vous aurait évité quelques paragraphes inutiles. Je ne sais que répondre, sinon que je suis confus.
A ce stade, mes amis, vous êtes toujours dans le brouillard et, même si vous entrevoyez être en présence d'une révolution publicitaire, il vous manque les clés pour percevoir le fond du message, le code qui vous permettra de toucher du doigt le génie créatif qui se dissimule derrière cette apparente trivialité. Cette clé, ce code, apparaît en toutes lettres dans l'objet du délit, incrusté par-dessus l'image absconse que je m'emploie à vous décrire, il s'agit mes amis du slogan. Oui, car on a beau avoir pour ambition de révolutionner l'art de la publicité, on n'en a pas moins besoin d'un outil aussi banal qu'un slogan. Que voulez-vous, Salvador Dali lui-même utilisait des pinceaux (je vous laisse réfléchir là-dessus).
Je ne verserai pas dans l'inflation sémantique, ce n'est pas mon genre, aussi vous livré-je ce slogan tout-à-trac :
"Nos concurrents ne supportent pas nos prix".
Voilà.
Je laisse un blanc volontairement.
Mes amis, tout est clair à présent. L'ère de la publiscatologie se lève sur le paysage de la photographie et cela nous promet de réjouissantes campagnes marketing pure ouate de cellulose double épaisseur. Je vois d'ici la prochaine publicité pour Sony dans le numéro de Juin de RP : "Avec le HDMI de série, facilitez le transit de vos photos". Kodak, serait sans doute plus percutant et n'aurait pas besoin de fermer ses usines s'il osait le slogan : "contre la diarrhée photographique, prenez de l'argentique".
On a soulevé la lunette de la boite de Pandore, espérons que quelqu'un pense à tirer la chasse.
Dans le collimateur #2 : quel temps de chien !
[NDLR : voici la seconde chronique décalée sur la photographie de notre ami Vince.Marcel Muller est un photographe anti-conformiste qui se distingue par des prix très concurrentiels dans sa boutique toulonnaise et par une modalité de communication très personnelle. La suite avec vince... :-D ]
Bonjour les zamis,
En feuilletant Réponses Photos hier soir dans le train (difficile de ne pas passer pour un pervers auprès de sa voisine avec la densité de femmes à poil par page) mes yeux ébahis sont tombés sur la dernière frasque de l'inénarrable Muller (vous savez bien, Muller de chez Muller).
En l'occurrence, pour ceux qui n'ont pas de quoi se payer les 4,80€ de ce magazine, voire pour les sacripants qui n'ont pas dépassé les pages du portfolio, il s'agit d'une pleine page de publicité. A priori rien que de très normal pour un magasin de photo que de s'assurer de l'audience par le truchement d'un prestigieux journal, sauf que dans le cas présent on ose à peine parler de publicité tant les bornes de celle-ci ont été repoussées au-delà de ce qui faisait consensus jusqu'à présent dans le monde pourtant peu consensuel des publicitaires.
Les Bleustein-Blanchet, Havas et autres pionniers qui pensaient avoir tout inventé doivent faire du hula hoop dans leur tombe, quant aux vivants, Toscani et ses timides pub Benetton, Séguéla et ses pauvres provocations pour maisons de retraite, ils peuvent revendre toute leur coke et aller se rhabiller chez Kiabi, ils sont finis, out, dépassés, largués. La nouvelle vague est là, la nouvelle vague bosse en exclu pour Muller et la nouvelle vague ne prend plus de la coke mais forcément quelque chose de beaucoup plus fort.
En feuilletant Réponses Photos hier soir dans le train (difficile de ne pas passer pour un pervers auprès de sa voisine avec la densité de femmes à poil par page) mes yeux ébahis sont tombés sur la dernière frasque de l'inénarrable Muller (vous savez bien, Muller de chez Muller).
En l'occurrence, pour ceux qui n'ont pas de quoi se payer les 4,80€ de ce magazine, voire pour les sacripants qui n'ont pas dépassé les pages du portfolio, il s'agit d'une pleine page de publicité. A priori rien que de très normal pour un magasin de photo que de s'assurer de l'audience par le truchement d'un prestigieux journal, sauf que dans le cas présent on ose à peine parler de publicité tant les bornes de celle-ci ont été repoussées au-delà de ce qui faisait consensus jusqu'à présent dans le monde pourtant peu consensuel des publicitaires.
Les Bleustein-Blanchet, Havas et autres pionniers qui pensaient avoir tout inventé doivent faire du hula hoop dans leur tombe, quant aux vivants, Toscani et ses timides pub Benetton, Séguéla et ses pauvres provocations pour maisons de retraite, ils peuvent revendre toute leur coke et aller se rhabiller chez Kiabi, ils sont finis, out, dépassés, largués. La nouvelle vague est là, la nouvelle vague bosse en exclu pour Muller et la nouvelle vague ne prend plus de la coke mais forcément quelque chose de beaucoup plus fort.
Il est à la fois dommage que je n'aie pas cette publicité sous la main pour la montrer à ceux qui ne l'ont pas vue, à la fois le seul visuel aurait tellement de force que vous ne feriez même plus attention à ce que j'écris. Oh, je vous connais, vous êtes facilement distraits. D'ailleurs de quoi suis-je en train de parler ? hein ? hein ? Moi-même j'ai un doute... Mais oui, la pub Muller dans le dernier RP (au fait, peut-être est-elle également dans CI de ce mois-ci. Si c'est le cas alors on peut dire que la couverture est de bon goût).
Donc, en quelques mots rapides et incisifs, nous découvrons sur cette pleine page format A4 en papier glacé, qui a pour habitude d'accueillir les tirages ciselés des plus grands noms de la photographie d'art, nous découvrons donc un chien.
Pas n'importe quel chien car mes maigres connaissances cynophiles me font deviner une sorte de Berger Allemand. Dans mon enfance on qualifiait de "chien loup" les différentes races de chien évoquant vaguement une silhouette lycomorphe (chercher ce mot) mais aujourd'hui les gens sont devenus tatillons, j'ai remarqué cela, et si on a le malheur de parler de leur animal sans en connaître précisément les noms vernaculaire et taxinomique on s'attire des remarques cinglantes et dédaigneuses "ce n'est pas un berger belge, c'est un berger malinois (sous-entendu espèce de béotien)!"
Est-ce que je sais moi...?
Mais revenons à notre image, on y devine, disais-je, un "chien loup", je dis bien "deviner" car la photo est floue : parti-pris esthétique, oubli du stabilisateur, tremblante du mouton face au canin ? difficile à dire mais la photo est floue.
Ce chien pourrait, à l'instar de son illustre ancêtre, courir fièrement au ralenti dans un champ de blé, le port altier, la langue gourmande, la truffe humide et sur une musique d'Ennio Morricone, mais n'oubliez pas le prologue de ce petit billet : tout ça, c'est de la pub à papa, on a affaire ici à l'Alfred Nobel de la publicité, un type qui invente le TNT sur papier glacé et qui fait exploser les carcans poussiéreux de l'académisme.
Mais alors, me demanderez-vous, que fait notre chien flou et loup ? Et je sentirai dans votre voix une pointe d'agacement car vous commencez à trouver que je tire la ligne de manière peu glorieuse. Eh bien figurez-vous que notre bon toutou fait ce pour quoi sont programmés tous les représentants de son espèce, voire de son genre, voire de son ordre, voire même de son règne (animal), dès qu'ils ont dépassé le stade d'embryon, il se livre à une activité qui, si j'en crois mes encyclopédies (et je les crois), permet de distinguer un être vivant d'un objet inerte : il chie.
Reprenons mes amis, car je sens que vous commencez à être perdus et c'est bien légitime, il faut dire que je ne fais rien pour vous faciliter la compréhension. Nous sommes donc en présence d'une publicité pour Muller Photo, établissement spécialisé dans la photographie et sis à Toulon (Var), cette publicité met en scène un chien flou, de trois-quart dos, et qui défèque. Oh, je sais ce que vous allez me dire : j'aurais pu commencer par là, ça vous aurait évité quelques paragraphes inutiles. Je ne sais que répondre, sinon que je suis confus.
A ce stade, mes amis, vous êtes toujours dans le brouillard et, même si vous entrevoyez être en présence d'une révolution publicitaire, il vous manque les clés pour percevoir le fond du message, le code qui vous permettra de toucher du doigt le génie créatif qui se dissimule derrière cette apparente trivialité. Cette clé, ce code, apparaît en toutes lettres dans l'objet du délit, incrusté par-dessus l'image absconse que je m'emploie à vous décrire, il s'agit mes amis du slogan. Oui, car on a beau avoir pour ambition de révolutionner l'art de la publicité, on n'en a pas moins besoin d'un outil aussi banal qu'un slogan. Que voulez-vous, Salvador Dali lui-même utilisait des pinceaux (je vous laisse réfléchir là-dessus).
Je ne verserai pas dans l'inflation sémantique, ce n'est pas mon genre, aussi vous livré-je ce slogan tout-à-trac :
"Nos concurrents ne supportent pas nos prix".
Voilà.
Je laisse un blanc volontairement.
Mes amis, tout est clair à présent. L'ère de la publiscatologie se lève sur le paysage de la photographie et cela nous promet de réjouissantes campagnes marketing pure ouate de cellulose double épaisseur. Je vois d'ici la prochaine publicité pour Sony dans le numéro de Juin de RP : "Avec le HDMI de série, facilitez le transit de vos photos". Kodak, serait sans doute plus percutant et n'aurait pas besoin de fermer ses usines s'il osait le slogan : "contre la diarrhée photographique, prenez de l'argentique".
On a soulevé la lunette de la boite de Pandore, espérons que quelqu'un pense à tirer la chasse.
[NDLR : la publicité qui est au centre de la chronique est à la page 151 du numéro 206 de Réponses Photo, daté de mai 2009.]
Commentaires
J'ai foncé chez le marchand de journaux après le premier paragraphe.
Bravo !
Mais rien que pour ça, je ne le ferai pas...
Même s'il fait parfois un peu trop fort, j'aime la franchise de Muller. Ses prix sont excellents et non négociables, comme ils devraient tous l'être. Le racket de certains magasins où le petit jeu du "geste commercial" sont absolument anormaux, et pour moi c'est Muller qui est dans le vrai avec sa politique de prix.
Maintenant, que sa pub soit de mauvais goût, c'est une évidence. Et alors ?
Mais pour être honnête, je n'accepterai pas que cette pub figure en plein milieu d'un de mes articles.
Cdlt, Gilles.
Mais de deux choses l'une :
Soit l'impétrant a eu effectivement maille à partir avec ses concurrents et je trouve ce règlement de comptes en public assez peu glorieux.
Soit il s'agit d'un slogan purement gratuit basé sur aucun incident particulier, et alors on peut quand même qualifier le message d'agression pure et simple envers ses confrères.
Dans tous les cas, c'est le lecteur qui est le dindons de la farce : ignorant des dessous de l'affaire mais obligé de subir une telle incongruité.
Vous l'aurez compris, je ne suis pas fan.
Et merci pour les compliments !
Car Desproges n'aurait jamais écrit ce que tu viens d'écrire : sauf mon immense respect pour ta prose et ta personne, cela relève un peu du bar des sports de se demander s'il y a des dessous à cette affaire, voire même de décréter qu'il y a une affaire... :wink:
Je ne vois personnellement aucun dindon à cette farce, elle est tout au plus de mauvais goût, ce qui n'est gênant que pour les gens que ça gêne...
Sinon Gilles, je suis bien d'accord que je n'aimerais pas voir ça intercalé dans un article technique ! :roll::
l'important dans la pub , c'est l'art et la manière de communiquer , un peu à la manière de Benetton sans pousser jusqu'à l'extreme qui dans ce cas peu nuire .
il y avait plusieurs façons d'interpréter ma pub , je vous donne la version officielle : nos concurrents n'aiment pas nos prix , tout simplement ça les fait ch... ! bon je sais , ce n'est pas très fin , mais plutôt que d'être noyer dans la masse , j'ai voulu la faire à la rigolade , un peu comme les pubs à la télé que je retiens plus facilement : celles qui sont drôles .
un coup de chapeau pour cet article car j'adore le style ( merci Vince ) :twisted:
sincères salutations marcel muller
S’abonner au flux RSS pour les commentaires de cet article.