Fév 26 2009

Qualités et défauts des objectifs : lexique des termes courants

barillet.jpg"Piqué, distorsion, vignettage..." Chaque essai d'objectif, chaque discussion amène son lot de termes techniques. Pour mieux comprendre leur signification, nous allons définir chacun de ces termes et tenter d'évaluer leur importance dans le choix d'un objectif selon l'usage auquel il est destiné.
Un défaut optique n'aura en effet pas le même impact selon la destination de l'objectif. Pour cette raison, il ne faut lire les résultats des divers tests qui nous sont proposés qu'en les interprétant en fonction des conditions d'utilisation prévisibles de l'optique.

S'il est possible aujourd'hui de concevoir des objectifs aux performances superlatives, cela peut avoir un coût prohibitif quand il s'agit d'optiques très lumineuses. La viabilité commerciale d'un objectif entraîne donc l'acceptation de compromis. Il est donc important de déterminer si les défauts résiduels seront gênants ou pas, sachant par ailleurs que si une faiblesse de piqué ne se rattrape pas, les autres défauts optiques se corrigent en général très bien de manière logicielle (interne ou externe au boîtier).

Les objectifs très haut de gamme sont pratiquement sans défauts perceptibles, et sont le plus souvent excellents dès la pleine ouverture jusqu'à la limite imposée par la diffraction. Une petite baisse ponctuelle ou localisée n'est alors pas un défaut réellement gênant. Les compromis adoptés seront surtout sensibles sur les objectifs d'entrée et de moyenne gamme pour lesquels les contraintes financières entraînent la rémanence de défauts parfois importants, voire gênants.

Notez aussi qu'il est difficile de réaliser une comparaison inter-marques fiable pour ces caractéristiques et défauts car le piqué dépend aussi du niveau d'accentuation, le vignettage et la distorsion varient selon le format du capteur, l'aberration chromatique dépend également de la taille des photosites du capteur, etc. On voit donc que l'important est de pouvoir juger une optique en fonction de son usage prévu, mais aussi du boîtier utilisé : un capteur grand format est très exigeant sur les bords et les angles d'un objectif, alors qu'un APS-C n'utilise que la partie centrale le plus souvent bien meilleure. La résolution et le format de tirage envisagé entrent également en ligne de compte car tous les défauts dont la taille est inférieure à celle du point d'impression ne seront pas visibles.

Voici donc un petit lexique des défauts courants et des gammes d'objectifs typiquement affectées, avec une description de l'impact prévisible lors de leur utilisation.


Le piqué

Notion la plus fréquemment évoquée, le piqué désigne la netteté apparente d'une vue (sur écran ou imprimée). On en parle à propos d'un objectif pour désigner son pouvoir séparateur, sa capacité à distinguer et transmettre les plus fins détails. Il dépend ensuite du traitement informatique de l'image ou du format de sortie, mais l'objectif a le rôle déterminant de transmettre le plus d'informations possible au boîtier...
Ce piqué résulte directement du microcontraste, c'est-à-dire du contraste apparent des fins détails de la photo. Un cliché regorgeant de très fins détails mais peu accentué par défaut (typique de l'A900) constitue une base formidable pour régler la netteté apparente a posteriori, et de manière adaptée au format et au support de sortie, mais un jpeg direct affiché sur écran d'ordinateur pourra sembler relativement peu piqué. A contrario, la plupart des reflex dotés de capteurs 6MP donnaient des jpeg très piqués à l'écran (malgré le manque relatif de détails), mais au prix d'une accentuation poussée interdisant les tirages en grand format sous peine de rendus peu esthétiques.
Le piqué est typiquement excellent sur les objectifs macro. Les objectifs lumineux d'entrée de gamme sont en revanche souvent un peu moins piqués au centre et assez "mous" (manque de piqué) sur les bords à leurs ouvertures les plus grandes. Ce n'est toutefois pas forcément gênant, voire même parfois un avantage comme pour atténuer les défauts de la peau en portrait, les bords étant noyés dans le flou d'arrière-plan.

Voici un exemple de photo "molle" suite au redimensionnement au format 550x366 pixels : le microcontraste a été "perdu" dans l'opération. En passant le curseur dessus, vous verrez apparaître la même image "piquée", par un post-traitement logiciel visant à rétablir la sensation initiale de netteté. Nous voyons donc bien que la sensation de piqué dépend des détails transmis par l'objectif (comme c'est le cas ici), mais aussi du traitement logiciel (dans le boîtier ou sur ordinateur) appliqué à l'image, et qu'il est donc illusoire de juger du piqué d'un objectif seulement à partir d'un JPEG fourni par le boîtier.

oeil_1.jpg



La distorsion

La distorsion est une déformation géométrique de l'image, qui va courber les droites du sujet photographié de manière de plus en plus marquée quand on s'éloigne du centre. Il existe deux formes de distorsion : en barillet (typique de la position grand-angle d'un zoom) ou en coussinet (plus caractéristique de la position téléobjectif, de manière plus discrète). Elle est fonction de l'amplitude de l'objectif : souvent très faible à invisible sur les focales fixes, elle apparaît plus sur les zooms courants et peut devenir énorme sur les hyperzooms type "18-250" où elle saute littéralement aux yeux en courtes focales. Le talent de l'opticien consiste alors à trouver un savant dosage entre barillet et coussinet quand on allonge le zoom, histoire de ne pas atteindre des valeurs insupportables dans un sens ou dans l'autre.
Gênante sur un objectif destiné aux photos de paysage (car elle courbe l'horizon s'il n'est pas centré) ou à l'architecture (déformation des bâtiments), elle l'est moins pour de la photo plus orientée reportage, où elle devient difficile à déceler sur des sujets hétérogènes si elle n'est pas trop marquée. La distorsion peut être limitée par l'ajout de  (coûteuses) lentilles asphériques dans la formule optique.

Distorsion en barillet                                                        Distorsion en coussinet
disto.jpg


Le vignettage

C'est un assombrissement circulaire des coins de l'image dû à la baisse de luminosité périphérique de l'objectif. Il concerne tous les objectifs, mais typiquement les zooms grand-angle où il est souvent marqué à la plus courte focale pour se résorber par la suite. En règle générale il disparaît en fermant le diaphragme de quelques crans.
Très visible sur un fond uni (ciel, fond uni de studio ou macro) il l'est moins sur fond hétérogène. Ce défaut est très gênant lorsqu'il ne disparaît pas en fermant le diaphragme (utilisation courante en paysage), mais un vignettage prononcé à grande ouverture est courant en grand-angle. Une grosse partie de l'écart de prix entre gammes vient du traitement de ce défaut.

Vignettage.jpg



Les aberrations chromatiques

Il s'agit d'une apparition de franges colorées fines autour des détails contrastés. Nous avons tous appris à l'école qu'un prisme sépare la lumière en arc-en-ciel; c'est fondamentalement le même phénomène qui se produit quand est traversée une série de lentilles. Dès lors, les composantes colorées de la lumière se focalisent de manière légèrement décalée sur le capteur, entraînant des franges colorées que l'on nomme donc "aberrations chromatiques". Elles sont plus fortes hors zone de mise au point car la lumière n'est alors plus focalisée de manière optimale.
Ce défaut est gênant sur les tirages grand format, et même sur des tirages plus petits auxquels il donne une impression de léger flou s'il est vraiment important. Les AC peuvent se corriger à l'aide de lentilles spéciales, appelées "achromatiques" quand elles corrigent deux couleurs du spectre RVB et "apochromatiques" si elles corrigent les trois (et les fait donc disparaître, Rouge Vert et Bleu étant ainsi focalisés au même endroit). Les AC apparaissent plus sur les plus longues focales d'un zoom, quelle que soit sa plage (télézoom ou grand-angle). Elles constituent un défaut toujours gênant, qui ne peut servir aucune pratique et frappe souvent sur les zooms à bas prix car le contrecarrer coûte cher (lentilles spéciales et formule optique adaptée) et un débutant ne la détecte pas aussi facilement que de la distorsion par exemple... Notez que les objectifs à miroir (comme le 500mm f/8 AF) en sont dépourvus.

Sur l'exemple ci-dessous (agrandissement 100% d'un détail), on voit clairement les franges colorées au-dessus de la poutrelle :

ac_poutrelle.jpg



Le flare

Il est dû à une dispersion incontrôlée de rayons lumineux dans l'objectif, dont certains vont parvenir au capteur. Cela se manifeste par une image manquant globalement de contraste, voire par l'apparition de cercles lumineux (typiques d'un coucher de soleil !) ou d'images fantômes (reflets du diaphragme).
On le combat de plusieurs manières : l'intérieur de l'objectif est mat pour éviter les réflexions parasites, le fût de l'objectif est guilloché (stries serrées à l'avant) dans le même but et la lentille arrière est traitée anti-reflets pour éviter à la lumière réfléchie par le capteur de revenir dans l'objectif... Aussi et surtout le pare-soleil doit impérativement être monté lorsqu'on constate du flare : il sert à éviter que la lumière latérale inutilisée pour former l'image ne se diffuse dans l'objectif.
Le flare se produit de préférence sur les zooms, d'autant plus que leur amplitude est importante : comme leur pare-soleil est dimensionné pour la plus courte focale (sinon on le verrait sur les photos !), il est trop petit en longue focale et laisse donc passer de la lumière inutile à la formation de l'image, qui va se "balader" au gré des réflexions internes... Les objectifs hyper-lumineux y sont aussi sensibles à cause de leur grand diamètre qui augmente les surfaces réfléchissant les lumières parasites à l'intérieur. De plus, leur grand diaphragme joue plus facilement le rôle de "miroir" lorsqu'il est fermé. Leur traitement interne est alors crucial, ce qui influe aussi sur le prix final.

Sur l'image ci-dessous, nous avons un exemple de flare léger, avec apparition d'image fantôme (les cercles marrons en diagonale) et perte de contraste sur la droite de la photo :

flare_2.jpg


La courbure de champ

Les lentilles n'étant pas planes, l'image nette formée par l'objectif peut être légèrement sphérique au lieu d'être parfaitement plate (voir sur le schéma ci-dessous). A des ouvertures modestes c'est indécelable, mais sur certains objectifs à grande ouverture (f/1,4 ou 1,8) on voit que lorsque la mise au point est parfaite au centre, elle peut est légèrement décalée sur les bords... C'est le signe que le plan de netteté n'est pas plat et cela se peut se traduire par un manque de piqué sur les bords de l'image.
Ce problème est rarement gênant puisque la grande ouverture noie dans le flou tout ce qui n'est pas aligné exactement avec le sujet. En revanche elle fait chuter les notes de piqué sur les tests d'objectifs sur mire plane puisqu'une mise au point décalée sur les bords provoque un flou et fait baisser la note. Une gêne plus théorique que pratique, qui est limité par l'usage de lentilles asphériques.

courbure.jpg


La coma

C'est une aberration de sphéricité transversale : quand un faisceau lumineux frappe de manière oblique l'objectif, son image a une forme de comète au lieu d'être un point net.
Elle est très visible sur les objectifs hyperlumineux lorsqu'une lumière vive ponctuelle (étoiles...) est dans le champ en ambiance sombre. En revanche elle n'affecte pas la qualité générale de l'image.
Voici l'image formée par un point dans ce cas :

coma.jpg



D'autres aberrations beaucoup moins visibles existent (aberration de sphéricité longitudinale, astigmatisme...) mais elles sont très bien corrigées sur les objectifs modernes et ne se traduisent que par un léger flou peu problématique.

Finalement, ces défauts optiques ne sont gênants que lorsqu'ils concernent l'usage prévisible d'un objectif : un macro pouvant servir à de la reproduction de documents ne supportera ni distorsion ni vignettage qui sauteront aux yeux sur une photo de page imprimée. Inversement une légère distorsion et un manque de piqué à pleine ouverture d'un objectif lumineux peu corrigé ne sont pas rédhibitoires car en utilisation portrait par exemple, on recherchera souvent un rendu doux et on se servira de la faible profondeur de champ pour obtenir du flou autour du sujet. Enfin, les aberrations chromatiques sont toujours gênantes dans la mesure où elles limitent la possibilité d'agrandissement si on veut maintenir la dimension des AC sous celle du point d'impression afin qu'elles soient invisibles.
Il ne faut donc pas se focaliser sur des chiffres bruts mais surtout se fier aux commentaires les accompagnant. Ils permettront de déterminer l'adéquation des caractéristiques d'un objectif au boîtier et à l'usage auquel on le destine.

Commentaires   

# Bravo !Valery Landon 04-03-2009 06:42
Bravo pour cet article que je trouves très clair et bien fait.

Valery
# Julien 04-03-2009 08:57
Merci de votre commentaire, l'objectif était justement d'introduire ces notions de manière claire et simple.
# Jodrack 22-03-2009 21:57
Superbe topic, comme d'ab.
Bravo
# Julien 22-03-2009 22:10
Merci du commentaire !
# MerciBoris 09-05-2009 15:17
Un grand merci pour cet article. Je fais de recherche sur les défauts d'objectif dans le cadre de mes études, et votre article ne peux que m'aider.
# Julien 10-05-2009 00:34
Ce n'est qu'une introduction aux caractéristiques des objectifs, et il y aurait encore beaucoup à dire...
Mais cela me fait plaisir si cet article a pu vous aider :D
# petite questionMarie 13-05-2009 19:25
bonjour, et merci bp pour cet article! j'aimerais améliorer le piqué de certaines photos comme vous l'avez fait sur la photo d'oeil d'animal. quels traitements avez-vous appliqué à l'image ? c'est avec photoshop? un grand merci d'avance.
marie
# Julien 14-05-2009 00:14
Bonjour !

Le traitement appliqué à l'image est une "accentuation", appelée aussi "netteté" ou "masque flou" selon les fonctions des logiciels.
C'est effectivement disponible sous Photoshop, mais d'autres logiciels gratuits tels que Photofiltre par exemple disposent aussi de cette fonction.

Vous trouverez ici (http://www.alpha-numerique.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=205:Photofiltre-un-editeur-dimages-simple-et-performant&catid=56:editeurs-bitmap&Itemid=315) un article sur Photofiltre où cette fonction (accentuation) est présentée, et là (http://www.alpha-numerique.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=253:laccentuation-avec-gimp&catid=69:gimp&Itemid=320) un article plus poussé mais instructif sur l'accentuation avec Gimp, autre logiciel gratuit...

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