Déc 06 2008

Super Steady Shot : la stabilisation selon Sony

capteur_A900.jpg La stabilisation de l'image au déclenchement est devenue incontournable au point qu'elle équipe désormais même certains compacts d'entrée de gamme. Ce système permet en effet d'éliminer tout ou partie des mouvements parasites involontaires du photographe afin d'obtenir plus de photos nettes, sans flou de bougé.

C'est Canon qui a innové le premier en stabilisant certaines de ses optiques haut de gamme, suivi par Nikon peu après. Minolta a fait un autre choix technologique quelques années plus tard en choisissant de stabiliser le capteur de ses bridges, puis de ses deux premiers reflex numériques. Sony a naturellement conservé puis sensiblement amélioré cette technologie sur les reflex Alpha.

La stabilisation de toutes les optiques par déplacement du capteur est aujourd'hui un des points forts de la gamme reflex Sony Alpha, qui en fait un argument de vente majeur. Nous allons voir comment fonctionne ce système de stabilisation chez Sony, ce que l'on peut en attendre, ses limites et les différents systèmes proposés par la concurrence...

La stabilisation, dans quel but?

C'est de notoriété publique et martelé publicitairement : la stabilisation c'est bien !
Oui, mais c'est quoi ?  Tout d'abord, il faut rappeller qu'une des causes de flou de bougé est consécutive aux mouvements involontaires du photographe : tremblements, instabilité, mauvaise posture...
On admet couramment que pour éviter ce flou de bougé, il faut adapter la vitesse d'obturation à la focale de l'objectif, avec pour limite basse une formule simple :  Vmini =  1/focale. Dans cette formule, la focale est à multiplier par le crop factor quand on utilise des boîtiers APS-C.
En clair, cela veut dire qu'avec une vitesse inférieure à 1/100s (ou 1/150s en APS-C) avec un objectif de focale 100mm, on risque le bougé. Si les photographes expérimentés peuvent souvent dépasser cette limite, il n'en reste pas moins que cela constitue une limitation à l'utilisation des longues focales ou à la photo en faible lumière.

Le principe de la stabilisation va être de pouvoir dépasser cette limite en compensant les mouvements involontaires du photographe de manière automatique. Rappellons ici que ce système n'élimine pas les flous de bougé du sujet liés à ses déplacements et à la vitesse d'obturation, mais uniquement ceux dus aux mouvements du photographe.


Comment ça marche?

Chez Sony, l'idée est de déplacer le capteur selon un mouvement inverse de celui produit par le photographe. D'autres systèmes existent, nous le verrons par la suite.

Le principe de base est simple : le capteur est fixé sur une platine qui va être mise en déplacement en sens inverse des vibrations par des actuateurs (moteurs de déplacement linéaire), avec une précision suffisante pour éliminer les mouvements involontaires. Ces actuateurs sont en fait des cristaux piézo-électriques qui s'allongent lorsqu'un courant les traverse, et retournent à leur longueur de départ ensuite. En plaçant ces cristaux de manière judicieuse, on déplace la platine vers l'horizontale ou la verticale, la combinaison des deux permettant de compenser un mouvement dans n'importe quel sens du plan du capteur. Un processeur s'occupe d'envoyer le courant nécessaire à ces déplacements, selon les informations communiquées par des accéléromètres indiquant la fréquence et l'amplitude des mouvements à compenser. Ces accéléromètres aussi sont des cristaux piézo, mais qui fonctionnent en sens inverse : ce sont les déplacements du boitier qui leur appliquent une torsion par inertie et cette déformation leur fait produire un courant électrique dont les caractéristiques sont traduites par le microprocesseur en données de mouvement, desquelles il déduit la compensation à effectuer.

Il reste une "finesse" à éclaircir: pour être efficaces, ces mouvements de compensation doivent être précis et mesurés. A l'inverse d'un vérin hydraulique (qui fournit lui aussi un déplacement linéaire), un cristal piézo ne peut pas développer simplement un mouvement entièrement contrôlé en amplitude comme en vitesse. Par ailleurs un déplacement suffisant en amplitude impliquerait un cristal de grande taille, fragile et coûteux.
Bien évidemment une solution a été trouvée : le cristal peut être actionné par deux types de signaux, l'un entrainant un allongement rapide, l'autre un allongement lent, et de même manière pour son raccourcissement. La platine qui porte le capteur est couplée à ces cristaux par le biais d'un dispositif à friction sensible à l'inertie. En conséquence, un allongement rapide du cristal n'arrive pas à vaincre l'inertie de la platine, qui ne bouge pas. Au contraire, un allongement lent du cristal arrive à produire un déplacement. En couplant les deux types de signaux, on arrive à un déplacement très précis de la platine et donc du capteur.
Exemple : un allongement lent, suivi d'un raccourcissement rapide et d'un autre allongement lent auront fait avancer la platine de deux pas. Suivant ce principe, le système arrive à une précision d'un demi-pixel (taille d'un pas) sur une amplitude totale de 200 pixels sur un A100 par exemple.

Une échelle graduée dans le viseur permet de visualiser l'amplitude des mouvements, et de prévenir de mouvements trop importants impossibles à compenser. Elle est cerclée de rouge sur le schéma suivant :

viseur_A700.jpg


Efficacité du système

A son apparition sur le Minolta Dynax 7D, cette stabilisation apportait un gain de 1.5 à 2 vitesses. Sony a porté ce gain à 2 à 3 vitesses sur l'A100 puis à 4 sur les gammes suivantes. L'A900 annonce lui aussi un gain de 4 vitesses, mais avec un capteur beaucoup plus lourd et des déplacements supérieurs en amplitude avec une précision identique : l'exploit est de taille ! Notez tout de même que ces résultats dépendent des focales employées (résultats plus spectaculaires en longue focale) et de la stabilité du photographe (l'amélioration sera logiquement plus importante avec un photographe qui bouge beaucoup), mais restent réalistes.

De plus, ce système peut fonctionner avec tous les objectifs, anciens et nouveaux, quelle qu'en soit la marque. Il suffit pour cela qu'ils transmettent leur focale au calculateur du boitier, qui a besoin de cette information pour calculer les compensations à effectuer selon les déplacements. En pratique, tout objectif Sony, Minolta ou d'autre marque compatible se trouve stabilisé de fait. Subsiste une nuance:  Sony conseille sur son site support de couper la stabilisation lors de l'usage du zoom macro Minolta 1x-3x (qui s'utilise normalement à la verticale sur son trépied intégré), et précise que la stabilisation est moins efficace lors de l'utilisation du limiteur de course de mise au point (en mode courte distance) sur les objectifs qui en sont pourvus.


Limites

Bien évidemment il en fallait, et elles sont logiques !  Nous l'avons vu, le boitier a besoin de l'information de focale pour que la stabilisation fonctionne, et il apparaît évident que cette information ne sera pas transmise par des objectifs d'autres montures vissés via une bague d'adaptation (M42, Minolta MC-MD, etc.). Notez tout de même que certaines bagues disposent d'une puce transmettant (par le biais d'une finesse de manipulation) cette information de manière artificielle, le mieux étant de se renseigner auprès des utilisateurs pour vérifier leur efficacité...

Par ailleurs la stabilisation se faisant au niveau du capteur, la visée n'est pas stabilisée. Néanmoins ce qui apparaît à première vue comme un défaut (surtout lors de l'utilisation de longues focales) permet à l'utilisateur de se rendre compte de l'ampleur des mouvements parasites et le pousse donc à stabiliser sa position. Ceci permet ainsi indirectement d'améliorer les résultats, au bénéfice final du système. On peut néanmoins trouver confortable une visée stabilisée, mais c'est plus une question de confort et d'habitudes que d'efficacité.

Enfin, la stabilisation est incompatible avec l'emploi d'un trépied, les vibrations résiduelles sortant du cadre de ce que le boîtier peut compenser. Dans ce cas de figure, le boîtier essaie de compenser ce qu'il ne peut pas, avec des résultats parfois abberrants et donc l'apparition de flous !  Un interrupteur sur le boitier permet alors de couper la stabilisation. Notons en revanche que l'usage d'un monopode couplé à la stabilisation donne d'excellents résultats et peut remplacer un trépied dans de nombreux cas de figure, au bénéfice du poids et de la maniabilité...


Et chez les autres ?

D'autres sytèmes existent, se classant en deux grandes familles : stabilisation par déplacement du capteur ou par déplacement d'un élément de l'objectif :

Déplacement du capteur : chez Sony nous l'avons vu, mais aussi chez Pentax / Samsung sous une forme différente, le système de mesure des vibrations est le même mais le déplacement du capteur est assuré par des moteurs linéaires à bobinage plat, déplaçant grâce à un champ magnétique la platine capteur montée sur une table à bille. Le gain serait de 2 à 3 vitesses, mais le système permet à Pentax d'affirmer que l'incidence sur l'autonomie est nulle; et effectivement, lorsqu'on coupe la stabilisation, l'alimentation électrique du système continue pour maintenir le capteur en position fixe... En fait ce système consomme de l'énergie même coupé, avec pour conséquence habile une autonomie identique stabilisation coupée ou allumée...
Olympus aussi utilise la stabilisation capteur sur certains boitiers.

Déplacement d'un élément de l'objectif : Chez Canon (qui l'a introduit), Nikon et maintenant Sigma et Tamron, il existe une stabilisation mais intégrée à l'objectif. Ici ce sont une ou plusieurs lentilles qui sont déplacées afin de former une image stable en sortie d'objectif. Cette solution a pour avantage de stabiliser aussi la visée, mais pour inconvénient financier de devoir être montée sur chaque objectif.. Par ailleurs, son implantation sur les grand-angles semble être problématique à l'heure actuelle, et même le 24-70/2.8 Canon ou Nikon, qui est pourtant l'optique de base des professionnels, n'est pas stabilisé et ne pourra peut-être jamais l'être. Il s'avère également qu'en-dessous de 200mm, aucune focale fixe n'est stabilisée hormis le macro Nikon 105 VR. Au final la stabilisation optique ne concerne qu'une petite partie des parcs Canon et Nikon alors que l'intégralité des optiques à monture Sony ou Pentax sont stabilisées par le capteur.
A noter que le consortium 4/3 utilise aussi ce système sur certains objectifs (mais ce n'est pas compatible avec la stabilisation capteur Olympus !).


Dans l'ensemble, les performances de l'un ou l'autre des systèmes sont comparables, les écarts venant plus des générations que des modes de fonctionnement. Les capteurs stabilisés ayant l'avantage de fonctionner avec tous les objectifs, les objectifs stabilisés ayant l'avantage de la visée...
A l'heure actuelle, la solution du déplacement capteur semble incontournable pour l'amateur de reportages en lumière ambiante ou de photo en intérieur. La stabilisation par l'objectif est, elle, un "plus" en matière de confort sur les longues focales pour maintenir le cadrage, ou en macro pour faciliter la mise au point...
Comme souvent il n'y a pas de vérité absolue, mais un choix à faire en fonction de ses goûts et de sa pratique photo...

Commentaires   

# Merci ...Breizhoo 09-12-2008 09:49
... pour ces explications. C'est toujours bien de savoir comment fonctionnent nos superbes machines.
C'est également intéressant de voir ce que fait la concurrence et de se dire que finalement, on est pas si mal chez nous... (dépenser de la batterie pour ne pas stabiliser un capteur. Pfff...)
# Nico 10-12-2008 01:54
C'est vraiment un article très intéressant, qui regorge d'information sur cette question très technique. Il n'appelle pas vraiment à débat, donc juste un grand merci :D
# Tss, tss...Michel L 18-12-2008 22:37
"C'est Canon qui a innové le premier en stabilisant certaines de ses optiques haut de gamme, suivi par Nikon peu après."

D'après mon souvenir de l'époque, c'est plutôt comme ça :

1- Nikon a inventé les optiques stabilisées et déposé les brevets, mais sans y croire commercialement,
2- Canon a acheté la licence, et a commencé à faire du commerce avec,
3- et Nikon s'est dit : pourquoi pas nous aussi !
# Julien Fribaud 21-12-2008 11:11
Exact, l'introduction commerciale est à mettre au crédit de Canon, mais Nikon avait développé cette technologie le premier; en tout état de cause Canon a rendu la stabilisation disponible pour le public avant Nikon...

Pour la petite histoire à priori Nikon déplorait une perte de piqué sur les prototypes équipés, ce qui n'a pas rebuté Canon... Aujourd'hui encore des photographes continuent de préférer les versions non stabilisées suivant ce même argument (à tort ou à raison, c'est un débat en cours!)...
# ...interessant !Louveteau94 30-12-2008 15:36
Bravo et merci pour ce petit cour qui remet les pendules à l'heure :wink:
# Bug Killer 11-02-2009 20:04
Il est difficile de penser qu'un 24-70/2.8 ne peut pas être stabilisé alors que les 17-55/2.8, 18-55, 17-85 et 24-105/4 le sont.
# Julien 17-02-2009 23:46
Effectivement BK, et nous (vous? :wink: ) sommes nombreux à nous demander pourquoi... Commercialement c'est un non-sens, techniquement on nous avait expliqué que stabiliser un grand-angle était très difficile, mais les télézooms transstandard APS-C sortent aujourd'hui avec... Attendons ?
# déplacement du capteur et visée live viewjoachim 13-05-2009 20:58
"Les capteurs stabilisés ayant l'avantage de fonctionner avec tous les objectifs, les objectifs stabilisés ayant l'avantage de la visée..."

donc si on prend un A300 ou 350, qui s'utilisent presque exclusivement avec la visée live view, on obtient une stabilisation qui fonctionnent avec tous les objectifs en permettant la visée. je me trompe ?
# Julien 14-05-2009 00:06
Oui et non :wink:
Effectivement la stabilisation fonctionnera avec tous les objectifs, mais cette stabilisation ne fonctionne qu'au moment du déclenchement, pas en continu. La visée par l'écran n'est donc pas stabilisée non plus.

De plus, l'image affichée en continu à l'écran par le Live View ne provient pas du capteur principal, mais d'un capteur secondaire situé dans le viseur...
# La solution ! ne pas faire de choixnooz 21-09-2010 00:26
Avec les nouveaux A33 et A55 on a le beurre et l'argent du beurre !!!
la stabilisation fonctionne avec tous les objectifs mais aussi pour la visée.
# Julien 27-08-2011 15:09
Hélas non, sur les A33/55 la visée s'effectue bien sur le capteur principal, mais celui-ci n'est stabilisé qu'au moment de la prise de vue.
La visée peut être stabilisée en vidéo (comme l'enregistrement, donc), mais cela diminue fortement l'autonomie et augmente sensiblement l'échauffement du système, entraînant une baisse la durée possible d'enregistrement.

D'autre part la vidéo "full HD" tourne autour des 2MP, la stabilisation n'a pas besoin d'être aussi précise qu'en résolution photo pour être efficace. Pas sûr qu'en 14 ou 16MP la stabilisation soit suffisamment précise et endurante pour travailler en continu...
# J\'aimerais en savoir plusAntoine 29-01-2012 00:58
Tout d'abord bravo pour cette description, je suis tombé dessus par hasard et cela m'as beaucoup aidé à comprendre la stabilisation : En effet je suis élève en classe préparatoire et dans le cadre de mon TIPE j'effectue des recherches sur la stabilisation d'images d'un appareil sony dsc-hx1 sur lequel je vais faire quelques manipulations.
Aurais-tu d'autres informations en ce qui concerne les composants et leurs caractéristiques et si non où je peux les trouver ??
Merci d'avance.
# Patrick Moll 31-01-2012 03:51
Je vais laisser répondre Julien qui est plus qualifié que moi dans ce domaine, mais il est en vadrouille en ce moment, donc ça risque de prendre un certain temps...
# Antoine 31-01-2012 17:10
Est-il possible de le joindre par mail ?
# Patrick Moll 03-02-2012 20:11
Il reçoit automatiquement une notification de commentaire en tant que membre de la rédaction, donc dès qu'il pourra vous répondre, je pense qu'il le fera.
# Julien 04-02-2012 23:36
Malheureusement, j'ai justement mis dans l'article toutes les informations dont je disposais, et ce n'est plus de première fraîcheur...
A la sortie de ses premiers reflex, Sony avait beaucoup communiqué sur la technologie de stabilisation employée, ceci permettant aussi d'occuper l'actualité en plus d'expliquer le fonctionnement.

Le système "global" est maintenant connu, par contre les détails exacts du fonctionnement sont évidemment plus confidentiels dans la mesure où ils sont importants face à la concurrence...

Enfin il me semble bien que le HX-1 est doté d'une stabilisation "optique" (par l'objectif) qui n'a pas techniquement pas grand-chose à voir avec la stabilisation capteur décrite ici :sad:
# Stab en vidéoReibaud Communication 24-06-2013 08:35
La stabilisation sur les capteur ne fonctionne pas toujours en vidéo...par exemple Sony pour ses alpha ! donc la stabilisation mécanique est remplacée par une stab électronique...

http://dolby.free.fr/photos.php?id=5#photo

Par contre Olympus le fait et notamment l'OM-D mais c'est du 4/3.

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