Aoû 14 2010

Prise en main du Sony 135 mm f/2.8 [T/4.5] STF

stf_ju_ba.jpgHérité de Minolta, ce 135 STF (Smooth Trans Focus) est unique dans la production mondiale : il permet d'améliorer le bokeh sans dégrader le piqué dans la zone de mise au point. Il y a presque deux ans, Panya vous avait proposé un descriptif technique de cet objectif. Cet article contenant une très bonne présentation des spécificités de cet objectif, je vous ferai grâce de la redite...

Les retours sur le 135 STF sont très rares, et de nombreux amateurs hésitent à investir dans cet objectif atypique qui, pour un prix à peine inférieur à celui d'un Zeiss 135mm f/1.8, ne propose ni autofocus ni même confirmation du point en MF, et propose une ouverture photométrique limitée à f/4.5. On pourrait penser qu'un 135 mm f/4.5 est peu intéressant, surtout à ce tarif, mais... ses performances et sa réputation convainquent très vite du contraire.

Sur l'excellence du piqué, je vous suggère de lire par exemple le test de photozone (en anglais). Pour ma part, plutôt qu'un décortiquage des performances sur tout le champ à toutes les ouvertures, je vous propose un retour d'expérience sur la prise en mains de cette optique tellement particulière, ainsi qu'une sélection de photos. Pour pousser à son terme le côté "premiers essais", ce sont des portraits et des photos d'odonates pris au cours de ma première sortie avec cet objectif qui illustreront cet article. L'idée est donc moins de faire étalage des possibilités d'un objectif que l'on maîtrise que de témoigner des résultats que l'on peut espérer obtenir rapidement, dans des situations où cet objectif donne sa pleine mesure.



Prise en main

La spécificité de cet objectif est de disposer d'une bague de diaphragme "à l'ancienne".  Le concept du double diaphragme peut inquiéter, mais en fait le fonctionnement est très simple : si l'on positionne la bague de diaph sur la position "A", on est en présence d'un objectif classique, avec un diaphragme à 9 lamelles commandé classiquement par le boîtier et "fermant" jusqu'à f/32. Tous les modes sont donc utilisables de façon classique, l'objectif ne présente aucune particularité, si ce n'est un bokeh déjà très velouté obtenu grace au filtre d'apodisation. Il s'agit d'un groupe optique composée d'une lentille concave et d'une convexe accolées. Cette lentille convexe est dessinée pour agir comme un filtre gris neutre dégradé concentrique qui  amoindrit la netteté de chaque point, de manière progressive du centre vers le bord, en dehors du plan de mise au point. Cela adoucit fortement les transitions net/flou et ôte tout détail trop dessiné hors zone de mise au point, mais en contrepartie fait perdre 1 diaph 1/3 de luminosité réelle.
Dans ce mode A, le bokeh est déjà excellent, même aux petites ouvertures, grâce à ce filtre.

baguestf.jpg
Mais on le sait, la qualité du bokeh est aussi liée à la circularité du diaphragme. De vieux objectifs proposaient un diaphragme possédant de multiples lamelles, une version du Pentacon 135 f/2.8 dotée de 15 lamelles de diaph étant même surnommée "bokeh monster".
Minolta a choisi une autre voie : un diaphragme spécifique doté de "seulement" 10 lamelles et n'ouvrant que de T/4.5 à T/6.7. Le nombre de lamelles ainsi que la plage d'ouvertures peuvent paraître limités, mais cela a permis la conception d'un diaphragme quasi circulaire jusqu'à T/6.7, ouverture à laquelle il forme un cercle parfait.

Ce second diaphragme est donc commandé par une bague, visible sur la photo ci-contre et proposant une position "A", suivie d'une plage "STF". Sur la plage "STF", le diaphragme est réglable en continu, avec aperçu dans le viseur de la modification de la profondeur de champ et du rendu du bokeh. La bague propose des crans aux ouvertures T/4.5, 5.6 et 6.7 (ouverture notée "T" pour tenir compte de la perte de luminosité due au filtre d'apodisation et correspondant à une PDC plus courte d'environ 1,3 diaphs), mais permet un réglage en continu efficace par sa relative résistance.

Finalement la prise en mains est simple et claire. Il n'y a pas trop à se poser de questions à l'usage : si on veut utiliser le 135 STF comme un objectif "normal" avec un très bon bokeh, on peut rester en mode A et oublier la bague. En revanche, on pourra utiliser cette bague pour affiner le bokeh aux grandes ouvertures, en mode STF. Son utilisation est très simple, car le boîtier compense l'exposition en continu quand on manipule la bague. Une fois la mise au point faite manuellement (avec une bague à la démultiplication et la fermeté parfaites), on tourne simplement "l'autre bague" pour affiner le rendu du bokeh et la PDC...

En mode STF, le boîtier n'est utilisable qu'en mode A ou M. En effet, les autres modes font intervenir les automatismes pour régler le diaphragme, ce qui est impossible avec un diaphragme manuel. Bien évidemment, quand la bague de diaphragme est positionnée sur "A", tous les modes sont accessibles...

L'objectif est imposant pour un 135 f/2.8. Les lentilles très larges en regard du rapport focale/ouverture permettent d'obtenir un vignettage inexistant à toutes les ouvertures, ainsi qu'une excellente correction des divers défauts optiques qui sont virtuellement indétectables. Revers de la médaille, l'objectif est beaucoup plus volumineux et lourd qu'un 135 f/2.8 Minolta.
Sa finition tout métal est excellente, au niveau de celle des Zeiss ou du Sony 70-200 G. Les bagues ont juste le "frein" nécessaire et l'ensemble des lentilles coulisse avec une sensation de poids et de souplesse fort agréable...



En images

Je tiens tout d'abord à rappeler que les images proposées n'ont pas pour but de faire admirer mes compétences, mais bien de témoigner du rendu spécifique de l'objectif. Il serait aisé de proposer des photos prises avec un fort grossissement devant un arrière-plan très éloigné, mais dans ces conditions tout objectif produit un flou massif généralement esthétique. J'ai bien pour but de montrer la douceur du bokeh possible même avec un arrière-plan proche, fouillis voire disgracieux. C'est là que l'écart avec un objectif classique est le plus parlant, même si nous verrons à la fin que le rendu sur des fonds très estompés est magnifique autant qu'unique.

Portrait

De nombreux photographes craignent une profondeur de champ trop importante avec une ouverture mini de T/4.5, mais c'est oublier deux point très importants que les photos ci-dessous confirment :
- l'ouverture de T/4.5 est une ouverture photométrique tenant compte du filtre d'apodisation, mais la profondeur de champ est celle obtenue à f/2.8 avec un objectif classique.
- une ouverture inférieure à f/2.8 est confortable pour nombre de considérations (clarté de la visée, efficacité de l'AF, PDC volontairement très courte pour isoler un détail), mais obtenir un visage entièrement net à 135mm demande une ouverture plutôt autour des f/4 minimum et couramment entre f/5.6 et f/8...
Sur cette première photo, on voit que la profondeur de champ à T/4.5 (f/2.8) est tout juste suffisante malgré le cadrage large. Les cheveux de la modèle sont hors zone nette :

stf_ju.jpg


Sur la photo suivante, il est clair qu'avec un cadrage plus serré, la PDC à T/4.5 (f/2.8 pour rappel) est tout à fait insuffisante : seul l'oeil le plus proche est net. Il me semble aussi intéressant de noter que la partie à droite du visage, proche du plan de mise au point mais hors zone nette, présente un rendu "lissé" mais net souvent recherché en portrait. J'ai quelques portraits avec une mise au point légèrement trop proche qui présentent un rendu finalement très agréable, grâce à cette faculté qu'a le STF de lisser les détails proches du plan de mise au point sans les rendre indiscernables.
Dans le même ordre d'idée, il apparaît clairement qu'un arrière-plan très proche et disgracieux est très estompé par l'objectif. Une telle photo prise avec un objectif "classique" à 135 mm f/2.8 donnerait un arrière plan aussi flou, mais avec des transitions beaucoup plus marquées et des détails souvent très visibles au lieu d'être estompés.

stf_ju-2.jpg


Proxy-photo

La problématique n'est pas la même en proxy. Au contraire, l'ouverture mini T/6.7 peut paraître juste suffisante, mais elle ne correspond qu'à un f/4.5 réel en profondeur de champ. Le pratiquant identifiera immédiatement une ouverture minimale trop grande pour être utilisable sur tous les sujets.
Effectivement, ce n'est pas un objectif macro, mais à son rapport maxi 1:4, une ouverture de f/4.5 reste utilisable sur de nombreux sujets pour peu qu'on choisisse convenablement son angle de prise de vue. En tout état de cause, à ces rapports déjà élevés, l'utilisation du diaphragme "auto" donne un fond très flou, même avec une faible ouverture (f/8 à f/11 couramment), et le filtre d'apodisation continue à fournir un bokeh harmonieux.
On arrive donc à un objectif tout à fait utilisable en proxy, mais exigeant sur plusieurs points :

• l'étendue de la zone vraiment nette est difficile à estimer, même dans le viseur de l'A850. Si le point est très facile à faire précisément, une profondeur de champ semblant suffisante dans le viseur sera insuffisante au visionnage, la résolution du capteur dépassant de très loin le niveau de détail que l'oeil est capable de discerner dans le viseur. J'ai de plus l'impression (c'est à confirmer) que le début de lissage que j'évoquais plus haut est là aussi en cause : au lieu de faire apparaître une transition franche entre net et flou, l'objectif propose un lissage progressif qui commence à l'intérieur même de la zone nette théorique. On n'hésitera donc pas à fermer un peu plus le diaph que ce qui semble nécessaire dans le viseur.

• il faudra soigneusement choisir son angle de vue pour ne pas être obligé de fermer démesurément le diaphragme. Ceci apparaît comme contraignant au départ, mais c'est une base de la macro : ouvrir "juste ce qu'il faut" pour avoir une netteté suffisante sans trop révéler l'arrière-plan.

La photo suivante est prise à T/5.6. La profondeur de champ correspond à f/4 environ, et l'arrière-plan très fouillis à moyenne distance reste relativement flou, et surtout sans détails marqués attirant l'oeil. Même les trois feuilles en bas à gauche, clairement discernables, "n'accrochent" pas le regard outre mesure.

stf_ju-5.jpg


Cette photo montre le même cas de figure, avec un arrière-plan beaucoup plus proche et très contrasté, entre ombre et lumière, pour un rapport de grandissement comparable. Ce sujet est un véritable piège pour de nombreux objectifs, avec lesquels les transitions clair/foncé seraient au mieux très marquées, au pire affectées d'aberration chromatique ou dédoublements. Le STF présente lui des "formes floues" aux contours doux mais identifiables. Le jeu est donc d'essayer de composer l'image en fonction des lignes directrices données par ces formes et de l'harmonie des couleurs. On sort du cadre de la photo "témoignage" pour "peindre" un arrière-plan...

stf_ju-3.jpg


Enfin, qui dit proxy sous-entend bagues-allonge. Il m'est impossible de faire un rapport d'expertise après une seule sortie dédiée, mais mon sentiment est qu'on ne peut pas tout faire avec. L'objectif se comporte excellement jusqu'à 36mm de bagues, ensuite l'intérêt baisse fortement. La faible luminsoité résiduelle rend très difficile la mise au point (la visée est déjà assombrie au départ à cause du diaph "réel"), et l'intérêt du rendu du bokeh devient anecdotique car aux forts grandissements le flou est omniprésent dans tous les cas. Ceci, ajouté à la focale un peu longue pour obtenir de forts grandissements avec bagues, donne un ensemble peu maniable (autant en encombrement qu'en visée), pour un bénéfice peu évident face à un objectif macro plus léger, plus lumineux et plus simple d'emploi.
En revanche, autour des 20 à 36mm de bagues, on reste dans le domaine d'excellence de l'objectif : le filtre d'apodisation fait encore merveille, même avec le diaphragme automatique, et en soignant ses prises de vue on peut arriver selon le sujet à utiliser efficacement le diaph manuel.

Voici un exemple dans ce cas de figure. Il n'est pas nécessaire de commenter l'arrière-plan, le sujet étant le même que sur la photo précédente mais photographié de beaucoup plus près avec une bague de 20 mm. Là, on pensera simplement à accorder les nuances de l'arrière-plan à celles du sujet, de façon à rendre honneur au rendu de l'objectif. La photo est prise à T/6.7 (attention, mon boîtier configuré en 1/3 d'IL affiche 6.3 en EXIF), mais l'alignement que je pensais correct avec le sujet n'est pas suffisant : le bout de l'abdomen et des ailes sont hors zone nette, alors que dans le viseur ce n'était pas le cas... Notez le vignettage abrupt perceptible dans les coins extêmes avec un boîtier FF + bague. Un très léger recadrage les éliminera et laissera suffisament de pixels pour tirer un beau A2.

stf_ju-4.jpg



Premier bilan

Après quelques jours de prise en main, la spécificité de la zone nette difficile à cerner s'est faite moins problématique. On finit par anticiper la baisse de netteté "chevauchant" un peu la zone nette. Cela ne permet pas toujours de réussir les photos au premier ou second essai, mais appréhender les réactions de l'objectif améliore significativement le taux de réussite...

A l'issue de cette période de prise en main, il est difficile de conseiller cet objectif de manière générale, car il impose une manière de photographier spécifique. Il peut paraître "ingrat" au départ, mais il permet aussi des photos impossibles avec un autre objectif et sait magnifier nombre de sujets. Il me rappelle en ce sens les très longues focales fixes, qui peuvent produire de magnifiques photos mais demandent une longue prise en main avant d'en tirer (quand on y arrive) le meilleur... Ce n'est pas un objectif dont on se servira pour sa focale ou son ouverture en particulier, mais bien pour obtenir une image que l'on a pensé à l'avance, en se mettant à son service et non pas en comptant sur sa souplesse. Totalement déraisonnable en rapport poids/prix/encombrement/ouverture/possibilités, mais unique...

A noter pour finir qu'il a un excellent comportement au flash (la photo d'émergence en ouverture en est témoin), mais avec le réflecteur que j'utilise actuellement le rendu ne me convient pas. J'attends donc le diffuseur adapté pour vous proposer un article allant un peu plus loin dans ce sens...

Commentaires   

# Montage sur NexairV 29-10-2012 00:12
Bonjour,

Merci pour cet essai très instructif.
Pensez-vous que cet objectif donnerait de bon résultats sur un Nex-7 ?

Merci d'avance.

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